16/11/2025 dedefensa.org  8min #296424

Rapsit-Usa2025 : Maga en miettes

 Brèves de crise  

Le mouvement MAGA vient d'essuyer un coup d'une rare violence : le déchirement et l'affrontement entre Trump et Marjorie Taylor Green (MTG), députée républicaine du groupe des MAGA, elle-même une des figures les plus puissantes et les plus influentes du mouvement. Lorsqu'un journaliste l'interroge à bord de ‘Air Force One' à propos de la réaction furieuse, Trump répond : « I don't care », la même réponse que celle qu'il avait faite à une question sur la réaction de Tulsi Gabbard lorsqu'il avait décidé qu'il n'assisterait plus aux réunions les plus sensibles sur les questions de sécurité.

Trump s'en fout parce qu'il ne doute pas une scinde qu'il l'emportera toujours, et que ces filles qui font les grincheuses, s'il le faut succomberont à nouveau à son charme. Trump ne peut pas imaginer d'autre issue et si on insiste un tout petit peu, il vous efface d'un regard puisqu'il s'en fout.

De même, il n'imagine pas qu'on puisse ne pas croire ses empilements de mensonges qu'on trouve dans ses réponses sur l'affaire Epstein. En effet, et qui peut en douter, c'est bien cette affaire qui est à l'origine de sa brouille avec MTG ; et Trump tournant en dérision la jeune femme pour son insistance à obtenir la publication de tous les document-Epstein.

L'affrontement a pris très vite de l'ampleur après plusieurs échanges, et l'on se trouve désormais aux invectives comme le montre  cet article du New York ‘Post'

« Samedi, le président Trump a qualifié la députée Marjorie Taylor Greene de "honte" pour le Parti républicain après qu'elle l'eut vivement critiqué sur les réseaux sociaux pour avoir ignoré ses demandes de publication de documents relatifs au pédophile condamné Jeffrey Epstein et annoncé sa décision de retirer son soutien à sa campagne de réélection pour cette raison.

» "Marjorie Greene"la traîtresse"est une honte pour notre GRAND PARTI RÉPUBLICAIN !", a écrit Trump sur sa plateforme Truth Social.

» "Je n'aurais jamais imaginé que la lutte pour la publication des dossiers Epstein, la défense des femmes victimes de viol et la lutte pour dénoncer les agissements des élites riches et puissantes auraient des conséquences aussi graves, mais nous y voilà", a-t-elle déclaré samedi matin sur X. »

Iln faut ajouter que cet affrontement suit la publication, par des parlementaires démocratures d'autour de 20 000 documents (courriels) de Epstein avec divers interlocuteurs. Il y est évidemment question de ses relations avec Trump, comme avec Bill Clinton, avec le dirigeant saoudien MbS et diverses autres personnalités dont l'une, l'actuel ambassadeur des USA au Soudan Tom Barrack, est particulièrement en vedette. (Il est même question de ses relations suivies avec Noam Chomsky, commentées par Glenn Greenwald .)

« La publication des courriels a immédiatement déclenché une vague d'indignation. La journaliste Amber Wood a dénoncé sur X "un dossier qui donne littéralement la nausée", accusant les autorités d'avoir laissé Epstein agir en toute impunité malgré l'étendue de son réseau. Politico souligne d'ailleurs l'"immense réseau de connexions du financier, qui mettait en relation écrivains, milliardaires, avocats et responsables politiques à travers le monde. Tom Barrack lui-même, figure centrale des courriels publiés, avait été poursuivi en 2021 pour lobbying non déclaré au profit des Émirats arabes unis, avant d'être acquitté en 2022".

» La Maison Blanche, prise sous le feu médiatique, dénonce un "faux récit" instrumentalisé par l'opposition. Mais l'un des points les plus sensibles concerne désormais la relation entre Donald Trump et Epstein. Ce dernier affirmait encore en 2019, dans un e-mail, que le président américain "savait à propos des filles", une accusation explosive alors que l'entourage de Trump tente d'éteindre l'incendie en qualifiant l'affaire de "canular". Les révélations compliquent la défense de l'ex-président, autrefois intime d'Epstein dans la jet-set new-yorkaise avant leur rupture au milieu des années 2000. »

Comme on voit, l'affaire est extrêmement compliquée puisqu'elle démarre d'un scandale politico-pédophile, teinté de soupçons de manipulations et de chantages (Epstein était-il un agent du Mossad réalisant des films pour exercer des pressions sur des personnalités ?) pour aboutir à faire éclater la crise latente au sein des trumpistes et du mouvement MAGA. Ce qui est en cause, plus que l'affaire Epstein, c'est le comportement de Trump qui oublie toutes ses promesses de la campagne électorale sur lesquelles nombre de ses soutiens politiques se sont appuyés. L'enjeu est, ici, de savoir ce qui importe le plus à ces soutiens : soutenir Trump dans tous les cas et de toutes les façons, quoiqu'il ait fait et quoi qu'il fasse ; ou bien faire aboutir certaines de ses promesses qui sont des questions essentielle pour MAGA, et des questions essentielles que MAGA a imposées à Trump et qui ont fait de lui presqu'autant de fois un traître.

Parmi les attaques lancées contre Trump, on retiendra  celle de Larry Johnson, sous le titre évident de « Donald Trump perd la tête à propos de Jeffrey Epstein ». Ce commentaire, de la part d'un homme qui s'occupe en général d'autres domaines que les hoquets de la situation intérieure US à Washington D.C., nous donne un aperçu des dégâts possibles résultant de l'action de Trump.

« Quand on écrira l'histoire de la présidence ratée de Donald Trump, sa dissimulation de l'affaire Jeffrey Epstein sera considérée comme le coup de grâce qui l'a coupé du mouvement MAGA. Ses attaques contre Marjorie Taylor Greene (alias MTG), ainsi que ses piques lancées au sénateur Rand Paul Jr. et au représentant Thomas Massie, le révèlent comme un tyran susceptible et un hypocrite.

» Trump est manifestement paniqué par la publication des dossiers Jeffrey Epstein… [...]

» Sa tentative de faire passer l'affaire Epstein pour un canular démocrate n'est qu'un prolongement de sa politique « Israël d'abord », qui détruit la base MAGA. Ses insultes envers MTG, qui a été une fervente partisane de Trump par le passé, ne font qu'attiser la colère grandissante parmi les sympathisants MAGA qui se sentent trahis. Son arrogance se retourne contre lui… Il est trop vaniteux et trop narcissique pour admettre ses erreurs et demander pardon. »

Complexité, mélange, effondrement

Voilà donc un certain nombre d'éléments qui mélangent dans une complexité extraordinaire des domaines qu'on croirait si différents : réseau de prostitution, corruptions diverses et espionnage d'où Israël n'est pas absent (comme le reste !), puis la politique de Trump par rapport à ses promesses faites à MAGA, l'évolution de MAGA devant cette violente algarade Trump-MTG, et d'une façon générale la stabilité en grand danger, non seulement de l'administration Trump, mais de la direction américaniste en général.

Assez curieusement, ou bien d'une façon très caractéristique si l'on veut, on retrouve un parallèle en Ukraine avec le  mélange très exotique d'énormes affaires de corruption en même temps que la crise d'effondrement de l'armée face à la pression énorme des forces russes. Nous sommes finalement dans le même monde, où les évolutions diverses sont comme des mimétismes qui s'influencent les uns les autres, d'ailleurs selon des logiques compréhensibles pour comprendre leur rapprochement, – puisque, par exemple, MAGA est très fortement hostiles à l'aide US apportée à l'Ukraine.

Mais au-dessus de toute cette énorme complexité dont nous devons laisser le détail à l' inconnaissance, nous avons l'essentiel qui est cette fameuse "stabilité de la direction américaniste" qui va désormais se jouer autour des rapports de Trump avec sa base MAGA, puisque désormais, avec l'affaire Greene Taylor, l'affrontement est entré dans sa phase active. Diverses questions se posent alors autour de ce destin, notamment les choix des dirigeants de MAGA et des électeurs de ce mouvement par rapport à Trump à la lumière de l'affrontement avec MGT. Nous allons vite y venir, notamment avec les élections de mi-mandat, dans un an exactement, où même le comportement des démocrates n'est nullement écrit d'avance. Par exemple : que vont faire les démocrates de l'aile populiste de gauche par rapport aux gens (et à leurs candidats) de MAGA qui s'opposeront à Trump ?

Il faut suivre aussi l'évolution de Trump, dont la complexité psychologique est bien connue, notamment avec son narcissisme pathologique qui le pousse à faire des erreurs absolument colossales sur les personnes et leurs comportement. Par exemple, là encore : sa réaction à l'encontre de Taylor Greene, d'une grande violence, ne risque-t-elle pas de repousser des éléments de la partie de MAGA qui lui est encore fidèle, dans le camp des opposants ? Dans ce cas, la violence de son comportement, qui peut lui être dommageable, est un produit direct de sa pathologie qui acquiert alors une véritable dimension politique.

On verra, on verra bien. Mais nous nous conseillons à nous-mêmes de ne pas trop compter, ou craindre l'étouffement spontané des crises qui s'enchaînent à un rythme implacable. Il ne faut pas trop compter sur un étouffement spontané de l'affaire Epstein qui a maintenant enflammé toutes les structures du pouvoir de l'américanisme, ni espérer que la guerre en Ukraine s'achève sur une entente-surprise Trump-Poutine qui ferait naître de nouvelles espérances. Tout cela dévale, dégringole, se précipite, « like a rolling stone », – mais une pierre qui aurait la faculté propre à une masse neigeuse de grossir en roulant.

Mis en ligne le 16 novembre 2025 à 16H40

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